Premier contact

Sarück s’interrogeait encore sur le bien-fondé de sa démarche en pénétrant dans le bâtiment.

Comment diable ces satanées guildes étaient-elles informées de sa présence aux Caraïbes ? se demandait-il.

Depuis son arrivée, les contacts s’étaient multipliés pour l’inviter à rejoindre tel ou tel groupement. Mais sa liberté, si tardivement acquise, était son bien le plus cher et il n'était pas prêt à l'aliéner pour appartenir à une confrérie, fut-elle de la meilleure engeance.

De multiples pensées tournoyaient dans sa tête et l’empêchaient de raisonner sainement :
-La Compagnie Noire des Caraïbes est-elle l'organisation humaniste qu'elle prétend être ou un ramassis d’aventuriers sans scrupule attendant patiemment de refermer leurs filets sur l’imprudent capitaine qui commettra l’erreur de leur faire confiance ?
-Je ne représente rien dans cet univers où j’ai tout à découvrir, alors pourquoi recherche-t-on ma compagnie?
-La dernière fois où j’ai été témoin d’un tel engouement, c’était dans un bordel d’Amsterdam quand Gina la Rousse avait annoncé l’arrivée pour le soir même d’une nouvelle pensionnaire ! Et la fête n’avait pas été la même pour toutes les personnes concernées…

Mais une autre idée lui trottait également dans la tête. Une idée qui avait germé en lui depuis longtemps. Une idée qui avait grandi dernièrement quand le capitaine Ziellens avait fortuitement annoncé que d’autres partageaient déjà ses aspirations. Une idée qui l’avait poussé à prendre contact avec cette Compagnie Noire des Caraïbes malgré ses réticences. Une idée qui l’entraînait lentement, tel un courant inconnu, et qui pouvait l’amener vers des rivages enchanteurs ou sur des récifs mortels.



Sarück était entré dans le bâtiment depuis quelques instants déjà. Il se tenait debout au milieu de l’entrée. Immobile et l’air absent. Perdu dans ses pensées.

En reprenant contact avec la réalité, il maudit intérieurement le manque de concentration dont il venait de faire preuve et mobilisa rapidement toute son attention pour faire face à la situation nouvelle qui se présentait : il était dans l’antre de la CNC et il n’était pas seul…

Comme souvent, Albrecht allait et venait dans les couloirs, tantôt en conversation importante avec les cuisiniers, tantôt affairé à superviser le déplacement d'un tableau, d'une statue, accompagné de plusieurs hommes en noir.

Aujourd'hui, Albrecht arpente le dédale des quartiers en compagnie de deux jeunes femmes, l'une est rousse et porte un enfant dans ses bras, sa veste est rouge et de très bonne facture à ce que vous pouvez voir. Ses cheveux soigneusement attachés par derrière semblent changés légèrement de couleur avec la lumière dansante des torches accrochées aux murs. À côté d'elle se tient une fille, plus jeune et à la peau foncée, habillée d'une tenue noire et bleu, faite de plusieurs tissus différents, là aussi, de bonne facture.

Les trois personnes avancent ensemble quand Albrecht remarque le capitaine qui se tenait à l'entrée. Un garde approchait mais le maître des lieux lui fit signe de regagner son poste.
C'est Albrecht qui parla en premier, ils se tenaient tout trois à quelques pas du Capitaine.

-"Bonjour Monsieur, en quoi pouvons-nous vous être utile ? Cherchez-vous quelqu'un en particulier ?"

À son habitude, Albrecht Van Baten Varren était souriant et accueillant, il se trouvait désormais en face du nouveau venu.

Sarück avait vu l'homme en noir qui s'avançait vers lui en l’évaluant de son regard froid et précis.
Puis brusquement, après un bref coup d’œil de côté, il avait rebroussé chemin…

Attiré par l’origine de ce changement, Sarück remarqua alors la présence d’autres personnes qui le prit au dépourvu.

Une jeune femme avec un enfant, radieuse dans la clarté chatoyante des torches et enjouée de sa mine stupéfaite, accompagnait une jeune fille à la peau sombre dont la douceur du regard semblait lui dire
« Sois le bienvenu, chacun ici est accepté avec ses différences ! »
Un homme, à la figure joviale et au sourire non feint, complétait ce groupe.
Il se tenait là, la main tendue en guise de bienvenue, et sa bonne humeur résumait à elle seule l’accueil qui lui était fait alors qu’il déclarait :
« Bonjour Monsieur, en quoi pouvons-nous vous être utile ? Cherchez-vous quelqu’un en particulier ? »

Remis de sa surprise, Sarück balbutia :
« Sarück, … Capitaine Sarück, … de l’Hamadryad »

Conscient de sa piètre prestation et de son aspect négligé dans son vieil habit râpé et élimé, et pour faire bonne figure face à ses hôtes aux tenues irréprochables, il débita d’un trait :
« J’ai été contacté par le Capitaine Néréide qui a demandé à me voir ! Euh… Bonny, le Capitaine Anne Bonny! »


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Sarück

Capitaine de l’Hamadryad

-Eh bien ! Bienvenu à vous alors !

Le maître des lieux accompagne sa poignée de main d'une franche tape sur l'épaule.
-Je m'appelle Albrecht Van Baten Varren, et en quelques sortes, c'est moi qui m'occupe de tout ici alors n'hésitez pas !

Albrecht renouvelle sa tape sur l'épaule, le sourire toujours aux lèvres et se tourne enfin vers la jeune feme rousse et s'écarte du capitaine pour le mettre face à elle.
-Eh ! Freckle ! C'est pour toi !

Malgrès son âge, Albrecht avait gardé ce visage et ces yeux illuminés comme ceux que l'on retrouve sur le visages des enfants. Cette joie de vivre ne l'avait jamais quitté, aussi loin qu'il s'en rappelle.

Alors qu’il observait le trio qui lui faisait face, Sarück sentait monter en lui le souvenir d’une situation oubliée, ainsi qu’un sentiment mitigé où se mêlait bien-être et malaise.

Cet homme, fort et joyeux, dont la poigne accueillante résumait à elle seule la personnalité,
cette femme portant l’enfant, calme et souriante, et de qui semblait irradier une aura protectrice,
cette jeune fille, douce et détendue, qui accompagnait fidèlement ses aînés,
n’était-ce pas là l’image d’une famille ?
Une famille unie et heureuse, comme il se plaisait à imaginer la sienne, … avant sa capture !

La douceur de l’instant et cette vision d’un bonheur trop lointain pour qu’il s’en souvienne, luttaient contre la réalité de son passé d’esclave.
Un flot de sentiments l’avait submergé avant de retourner s’enfouir au plus profond de son être.
Il était redevenu l’homme aigri et misanthrope qu’il connaissait si bien, mais une pointe d’humanité était née au creux de son cœur et ne demandait qu’à croître…

Inconscient des changements qui s’amorçaient au sein de sa personnalité, Sarûck salua tour à tour l’assemblée tout en gratifiant Freckle d’un :
« Je suis enchanté, Madame, de faire votre connaissance ! »

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Sarück
Capitaine de l’Hamadryad

La Néréide était restée un peu en retrait depuis l'apparition du Capitaine de l’Hamadryad, mais la bonne humeur d'Albrecht et la surprise et la confusion qui se lisait sur le visage de l'arrivant la firent enfin sourire. Elle réserva néanmoins un court regard noir pour le maître de maison qui ne cessait de l’affubler de petits surnoms quelques fois irritants. Anne passa son enfant à Salha, la jeune nourrice, qui le pris délicatement dans ses bras en resserrant le linge blanc autour de ses petites épaules. On pouvait apercevoir les grands yeux verts émeraude de Peter se tourner vers sa nourrice alors qu’Anne se rapprochait enfin. Passant à la hauteur d’Albrecht, elle ne pu s’empêcher de rétorquer,

-Veux-tu bien cesser de m’appeler ainsi* s’il te plait ? Et elle en profita pour donner un coup de coude amical dans le ventre proéminant du joyeux Hollandais avant de retrouver son sourire,
-Est-ce que je me moque de ton embonpoint, moi ?

Arrivée devant le Capitaine Sarück, Anne fit finalement mine de rien et préféra tendre la main au capitaine nouvellement arrivé jusqu’au Quartiers de la Compagnie Noire des Caraïbes.
-Bonjour Capitaine, je suis ravie de vous rencontrer. Avez-vous facilement trouvé nos quartiers ?
Si cela ne vous dérange pas, nous allons nous installer dans un endroit où nous serons plus à l’aise pour parler. Il y fera mieux vivre et nous pourrons nous désaltérer à notre guise.

Se ravisant quelque peu,
-Vous prendrez bien quelque chose à boire ?






(*Frekle veut dire « taches de rousseur »)

Les pensées de Sarück se télescopaient dans son esprit:
« Anne Bonny ?!?!?
Elle est le Capitaine Bonny ? … …
L’écumeuse renommée est cette calme mère de famille ! … … »

Remis de sa surprise, il accepta de bon cœur l’invitation de son hôte d’un
« Avec plaisir, Capitaine. »

Emboîtant le pas de la Néréide, il se mit à parcourir les nombreux couloirs qui l’emmenaient de plus en plus profondément dans le bâtiment, notant avec intérêt le calme feutré et le luxe discret des quartiers de la Compagnie Noire des Caraïbes.

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Sarück
Capitaine de l’Hamadryad

Le Capitaine Sarück ayant une fois de plus accepté son invitation, Anne lui rend un sourit tout aussi franc. Malgrès les marques qui évoquent sa vie maritime, son visage est rayonnant et laisse transparaître une sérénité certaine.
Avant d'inviter le Capitaine Sarück à la suivre, Anne se tourne vers ses compagnons, dans les bras de la jeune nourrice noire, qui à vue d'oeil, ne doit pas avoir connu plus de quinze printemps, Peter avancent ses mains vers sa mère, la regardant des mêmes yeux couleur émeraude que les siens et semblant appeler à ne pas se séparer d'elle.

Les longs cheveux roux de la jeune femme sont rattachés sur l'arrière avec un petit ruban noir cousu de fil rouge, une natte pend sur le côté de son visage et semble être coiffé d'une fine lanière de cuir, elle dépose un baiser sur le front de son enfant, laissant le temps à celui-ci d'attraper la large mèche rousse, le regard semblant implorer sa mère de le prendre dans ses bras. Elle lui prend délicatement la main pour y déposer un autre baiser. Ses lèvres semblent murmurer quelque chose et Peter cesse de faire la moue et se raccroche aux bras de Salha. Anne sourit et passe la main dans la chevelure cuivrée du nourrisson.
-À tout à l'heure, dit-elle simplement à ses compagnons avant de revenir vers le Capitaine Sarück.
-Allons-y Capitaine, par ici...

Les deux capitaines s'en vont vers l'intérieur du bâtiment tandis que l'ambiance change petit à petit. Seule l'entrée des quartiers de la CNC étaient pourvue de fenêtres, la lumière ne provient désormais plus que des nombreuses torches accrochées aux murs des différents couloirs. D'ailleurs, certains ne sont pas éclairés jusqu'au bout et le noir y prend place sans que l'on puisse y discerner quoique se soit.

De nombreux hommes et femmes déambulent également dans ses couloirs, pour la plupart habillé d’une tunique noire impeccable. Ceux-ci sont le plus souvent en petits groupes et chacun salue le Capitaine Bonny ainsi que le capitaine qui l’accompagne. Les quartiers de la CNC sont vivants et chacune des personnes croisées semble affairée à quelque tache. Anne échange un mot un court instant avec l’un des hommes sur le chemin.



...suite ici.